En cycles de formation master de Nantes Université (France), l’instruction au sosie (ISO) (Oddone, Re, Briante, 1981) est une méthode mobilisée qui permet aux étudiant.e.s d’élaborer des récits narratifs en vue de les aider à construire leur parcours professionnel. L’ISO porte sur les activités concrètes de stages. Elle est toujours suivie d’un temps d’échange. Ces deux temps enregistrés par audio permettent de rédiger un retour réflexif individuel : « Je m’efforce de ne plus nourrir la pensée selon laquelle les échecs, les réussites ou encore les doutes se gèrent de façon individuelle. L’avis extérieur et leur prise de recul s’avèrent définitivement être un précieux levier. En acceptant d’avancer avec une marge d’incertitude, j’espère m’ancrer dans une dynamique de progression vis-à-vis de mon travail de recherche et de mes compétences professionnelles. » Nous prendrons appui sur certains de ces récits pris dans le rapport entre pensée et langage (Vygotski, 1997), pour expliciter les ressorts psychosociaux de construction d’un « Soi dialogué » à l’intersection de l’activité et de la subjectivité, en suivant une certaine conception du récit comme accès à la « subjonctivisation » (Bruner, 2002) et à la « personnalisation potentielle » (Malrieu, 2003).

Différentes formations en alternance à l’enseignement proposent aux participant-e-s de rédiger des textes sous forme de synthèse ou de bilan de formation dans lesquels les personnes en formation donnent à voir des traces de leur développement professionnel (De Simone, Mauroux et Balslev, 2024). Ces publics peuvent être des enseignant.e.s, des mentor.e.s à l’enseignement ou encore des bibliothécaires en milieu scolaire (BMS).

Concernant les BMS, le Département a souhaité faire de ces protagonistes des partenaires pédagogiques, générant de nouveaux enjeux pour leur formation (Moreau et al., 2015) et leur dynamique identitaire (Kaddouri, 2019), en particulier le fait de permettre aux élèves d’apprendre. Dans cette perspective, les participant-e-s au CAS BMS produisent deux traces réflexives, une, en début de formation et une seconde au terme du parcours. La consigne de rédaction est identique d’un temps à l’autre et propose une rédaction autour de la perception de leur rôle dans ce contexte tout en mobilisant les apports de formation.

Cette étude vise à comprendre la transformation des représentations des participant-e-s de leur rôle auprès des élèves et des enseignant-e-s comme marqueurs d’évolution de l’identité professionnelle à travers l’analyse catégorielle (L’Ecuyer, 1990), ainsi que l’acquisition d’une légitimité dans un rôle pédagogique.

Des formateurs et formatrices d’adultes participent lors de leur formation de 15 jours pour l’obtention du Certificat FSEA de formateur ou formatrice à un séminaire résidentiel sur le thème de l’apprentissage et du développement de l’adulte. Durant ces deux journées, le thème de l’identité de formateur·rice est travaillé avec plusieurs activités pédagogiques (Rywalski, 2019) comme la « séquence inaugurale du prénom » (Josso et Schmutz-Brun, 2002), « penser le sensible en formation » en référence au Colloque idoine de l’année 2000, « le récit d’expérience » (Niewiadomski et de Villers, 2002). Cette dernière activité permet aux personnes d’être dans une posture de « biographe », […], de conteur·se […], de chercheur·se » (Josso et Schmutz-Brun, 2002) par rapport au sens de leur parcours. Lors du symposium, en lien avec la construction et le développement d’une identité professionnelle évolutive, nous chercherons à visibiliser des éléments significatifs abordés lors des récits oraux : ils traitent des choix professionnels et personnels, d’orientation de carrière, de positionnement par rapport à des valeurs, de la place des rencontres, de la signification de certains événements.

Dans le cadre de la formation ES (école supérieure, niveau CNC6, formation duale) en éducation de l’enfance proposée par l’esede à Lausanne, c’est par un dispositif de mise en récit et d’analyse d’expériences professionnelles que les étudiant-e-s développent et démontrent les différentes compétences (selon définition de Le Boterf, 1994) qui caractérisent leur métier. Cette démarche qualifiée de « portfolio » soutient une double fonction: formative tout au long de l’année, et sommative en fin de chaque année. Le travail d’écriture, articulant vécu personnel des situations et compétences propres au métier, peut être qualifié de « réflexif et professionnalisant » (Cros, Lafortune et Morisse, 2009 ; Paul, 2024). Ce double mouvement, au cœur de la démarche portfolio, vise l’élaboration progressive d’une identité professionnelle, identité par définition multiple et dynamique (Barbier, 2000). Le développement de cette identité passe plus spécifiquement par la validation de compétences, notamment via un travail d’explicitation (selon définition de Vermersch, 2006) et de conscientisation, ainsi que par le développement d’une posture professionnelle propre, notamment via l’analyse réflexive. Ce sont ces différents éléments constitutifs de l’identité professionnelle – compétences et posture –, à l’état de traces dans les portfolios, que cette communication propose de présenter et de discuter.